Danemark – Autriche : forces équivalentes, productions opposées.

Si le Danemark a régalé les amateurs de football lors de sa courte défaite face à Kevin de Bruyne (1-2), l’Autriche a brillé par son jeu stéréotypé et sa défense passoire, face aux Pays-Bas (0-2), ce jeudi 17 juin.



Les plus pragmatiques d’entre-nous diront que chacune des deux équipes a perdu son match. Pire, le Danemark est au bord de l’élimination avec cette deuxième défaite concédée, pendant que l’Autriche conserve toutes ses chances d’accéder aux huitièmes en cas de résultat positif face à l’Ukraine.

Personnellement, j’aime le sport, et donc le football, pour les émotions qu’il procure. Le jeu léché du Danemark, poussé par son merveilleux public de Copenhague, a gagné mon coeur. Avec un savant mélange d’expérience, portée par des Delaney, Kjaer ou Wass, et de fougue avec le petit Damsgaard ou le talentueux Maehle. Les Danois ont mis en difficulté une équipe de Belgique, qui n’a su s’en sortir que grâce à son cheat code que l’on appelle plus communément KDB.

Dans l’autre match, l’Autriche aussi avait des individualités qui pouvaient laisser espérer de belles choses. Nous retrouvons des tauliers des meilleurs clubs de Bundesliga avec des Alaba (ancien du Bayern), Sabitzer, ou Laimer. Des joueurs de devoir, aussi, avec du Hinteregger, du Lainer ou du Schlager.

Comment expliquer un tel écart de production entre les deux équipes ?

  • Le public danois et Christian Eriksen.

Évidemment, la différence majeure entre les deux rencontres n’est pas tant l’adversité que le soutien de ses fans. Le Danemark a été poussé par ses supporters, qui étaient environ 20 000 au Parken Stadium. Un stade rouge qui a fait communion avec son équipe. L’Autriche, elle, a joué en terrain hostile. A Amsterdam, 15 000 Néerlandais ont poussé derrière les Oranje. Une différence de traitement, qui joue forcément dans la capacité des joueurs à se transcender pour la Nation.

Autre facteur à ne pas sous-estimer : le sentiment d’injustice et la volonté de rendre hommage par le jeu à Christian Eriksen. Samedi, lorsque le joueur de l’Inter Milan avait à peine donné des nouvelles rassurantes, l’UEFA a fait pression sur les Danois pour reprendre la rencontre qui les opposait à la Finlande. Mais les joueurs de Kasper Hjulmand n’avaient définitivement plus la tête au jeu, et concédaient une défaite surprise contre la petite Finlande (0-1). Un résultat cruel, qui condamnait le Danemark a l’exploit face à la Belgique. Le sentiment d’injustice, combiné à l’événement tragique, a indéniablement soudé les joueurs danois. Or, le football, en tant que sport collectif, permet d’accomplir de grande chose lorsque les joueurs ne font qu’un.

  • La capacité de percussion sur les ailes

Dans le football moderne, la vitesse et la percussion est indispensable. Le Danemark, qui jouait en 3-4-3 a apporté énormément de danger sur les ailes. Le jeune Dammsgard a énormément dribblé, provocant ainsi des fautes belges, tout en libérant des espaces pour ses partenaires. Les montées de Mahle (piston gauche) et Wass (piston droit omniprésent) a forcé la défense belge a reculer. Les Danois se sont créé beaucoup d’occasion avec la volonté de faire mal à l’adversaire, que ce soit par les frappes (une vingtaine, ce n’est pas rien contre la Belgique), ou par une défense très déterminée, à l’image du retour exceptionnel de Kjaer sur Lukaku en seconde période.

L’Autriche, pour sa part, a joué un football qui perd. Un football de possession, principalement après l’heure de jeu, lorsque le score était fait. Un football qui ne prend pas de risque donc, et ne peut pas déséquilibrer la défense adverse. Une bonne illustration de cette incapacité autrichienne à créer le danger, pourrait être la rentrée de Valentino Lazaro (70′). Le joueur de Gladbach, qui a des qualités de vitesse reconnues, s’est contenté systématiquement de prendre la balle face ou dos au but, pour ensuite la rendre en retrait à Lainer, qui lui même repassait par sa défense. Au rayon des frappes, seul David Alaba a fini par prendre sa chance de loin, rasant de près le poteau de Stekelenburg alors que le score était déjà fait (0-2, 81′)

La joie et la détermination des Danois après le but de Poulsen d’entrée de jeu (Photo : Twitter @DBUfodbold)
  • Le travail du milieu de terrain.

Les deux pays avaient décidé d’aligner une doublette de milieux dans leur 3-4-3 (Danemark) et 3-5-2 (Autriche). Côté Danois, Hojbjerg était aligné aux côté de Delaney. Un milieu solide mais duquel nous n’attendons pas de miracles. Ces deux joueurs de l’ombre ont pourtant livré une performance remarquable face à la Belgique.

Que ce soit à la récupération ou sur le contre-pressing, ils ont grandement contribué à étouffé leur adversaire, qui a souvent été contraint de perdre le ballon. Ils ont aussi été redoutables dans leur capacité à gérer le jeu de leur équipe. A l’image du milieu italien, hier face à la Suisse, ils ont donné le tempo du match. Parfois en accélérant le jeu, et souvent en le calmant, pour ensuite procéder en attaques placées efficaces, toujours avec le soucis de limiter les possibilités de contre-attaques belges.

Chez les Autrichiens, la doublette du RB Leizpig Sabitzer-Laimer était censée avoir ce rôle. Elle était en plus supplée par Schlager, hyper actif du côté de Wolfsburg, 4e de Bundesliga. Elle avait donc une sécurité supérieure pour se projeter derrière les lignes néerlandaises.

Malheureusement, nous n’avons rien vu de tout ça. La caisse de Laimer, que l’on voit partout à la récupération du RBL, semblait avoir complètement disparue. Sabitzer, habitué à dicter le jeu en club, et grand artisan de l’accession en demi de C1 l’an dernier, semblait lui aussi bien pâle. Peu efficaces dans le contre-pressing, inutiles à la construction du jeu en se contentant de passes latérales, ils ont chacun énormément déçu les attentes placées en eux.

  • L’organisation générale.

Le symptôme des maux autrichiens pourraient résider dans le positionnement très aléatoire de David Alaba. Le nouveau joueur du Real Madrid n’a pas de poste fixe. Il débute la rencontre en tant que défenseur central, dans l’axe de la ligne de trois. Avec son brassard de capitaine, il dicte le jeu, aimante les balles. Le problème, c’est qu’il devient de facto le meneur de jeu autrichien. Or, celui-ci ne peut juste pas mettre l’équipe adverse en danger s’il joue à 50-60-70 mètres des cages à violer. Et même si c’est un autre sujet, Alaba offre le penalty aux Pays-Bas dans une action quelque peu confuse : tout un symbole.

A mesure que le match avance, on le voit de plus en plus prendre le côté gauche. Mais ses partenaires ne lui offrent pas assez de solutions. Le piston gauche, Ulmer, n’a juste pas la capacité de se projeter dans le dos de la défense néerlandaise. Alors, Alaba repasse par l’arrière et devient finalement un joueur moyen.

Côté danois, la tactique est claire, et Kjaer est le garant de la sécurité défensive de son équipe. Si sa défense n’a rien pu faire par deux fois face au talent individuel de KDB, elle s’est montrée relativement solide, et a plutôt bien couvert les espaces. Elle n’a jamais été prise dans son dos, là ou les Autrichiens ont concédé leur second but, à la suite d’un alignement désastreux de Hinteregger. Deux matches, deux équipes aux forces équivalentes, mais deux prestations opposées. L’une, nous a fait adorer ce jeu, l’autre nous a profondément irritée.

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