Depuis maintenant plusieurs années, le football moderne connait une évolution, tant dans le jeu que dans l’économie. Les clubs font de plus en plus attention à leur budget et n’hésite pas à faire des transferts dans le but de réaliser des bénéfices pour grandir. Et au centre de tout cela, les joueurs sont souvent trimballés de droite à gauche dans les clubs mais l’Athletic Bilbao échappe à toute cette nouvelle réalité d’un football contrôlé par l’argent et le mouvement de joueurs. Alors qu’est ce qui fait du club basque un modèle d’anti-football moderne?
Un Peu D’Histoire
L’Athletic Club de Bilbao tel qu’on le connait est le résultat de la fusion entre tous les petits clubs Basques à la toute fin du XIXème siècle. Et comme beaucoup de clubs à cette époque, ce sont les anglais qui ont participé à la naissance de club mythique en Espagne. Avec l’expansion du commerce maritime au XIXème siècle, les marins anglais jouait au football sur les bateaux, et ont ainsi fait découvrir à la population locale que ce sport existait. Cependant seuls les anglais jouaient entre eux à ce moment-là, les espagnols ne pouvaient que regarder. Ce n’est que lorsque la bourgeoisie espagnole partie s’instruire revint d’Angleterre qu’elle s’est mise elle aussi à pratiquer ce sport alors très élitiste sur la péninsule. Aucune ligue n’est créé à proprement parler mais beaucoup de club voient le jour en Espagne, dont tous ceux qui fusionneront pour former le club qu’on connait aujourd’hui. Le club de Bilbao a aussi permis la création d’un grand club espagnol de notre époque, l’Atletico de Madrid. Alors que les étudiants basques célèbrent la victoire de leur équipe pour leur première coupe du Roi à Madrid, dans l’euphorie de la fête ils décident de rendre hommage à leur club de cœur en fondant un nouveau club de foot, l’Athletic de Madrid, qui deviendra l’Atletico que nous connaissons.
Pour la petit histoire, à l’origine le club basque jouait avec des maillots bicolore noir et blanc, sous l’influence du club anglais de Blackburn Rovers. Mais un beau jour de 1910, un match va changer le cours de l’histoire du club basque, et instaurer les couleurs que nous connaissons aujourd’hui, le rayé rouge et blanc.

Et ce changement historique pour le club basque intervient grâce à un homme : Juan Elorduy. Juan est un étudiant ingénieur originaire de Bilbao mais habitant à Madrid, et qui jouait justement à l’Athletic de Madrid, qui n’était qu’une filiale du club basque à l’époque. En sachant que le jeune étudiant allait passer ses vacances de Noël à Londres, le club le charge de ramener 50 nouveaux maillots de Blackburn pour remplacer celles que les joueurs portaient à l’époque. Seulement, il n’en restait pas assez pour satisfaire la demande du club basque, et Juan a du improviser. Il était alors dans la ville portuaire de Southampton pour reprend le bateau en direction de l’Espagne, et décida d’acheter 50 maillots de l’équipe locale, les fameux maillots rayés rouge et blanc. Un tel changement ne dérangeait pas le club puisque récent, il n’y avait pas encore de réelle identification à des couleurs traditionnelles.
Maintenant fondé et avec ses couleurs définitive, l’Athletic peut se développer et devenir le monument du foot espagnol qu’on connait à notre époque.
L’ Athletic, monument du football espagnol
Oui, l’Athletic Club de Bilbao est un monument du football espagnol, au même titre que ses compères catalans et madrilènes que sont le FC Barcelone et le Real Madrid. C’est le club le plus ancien de toute l’Espagne, mai aussi un des plus titré avec 8 titres de champions de Liga et 24 Copas del Rey dans l’escarcelle, un palmarès loin d’être ridicule. De même malgré sa longévité impressionnante, le club est l’un des trois seuls clubs à ne jamais avoir connu la seconde division (encore une fois avec e FC Barcelone et le Real Madrid). Le club rafle beaucoup de trophées dans les années 1900 et 1910, avec des succès en coupe en 1903, 1904 et terminant à la seconde place les deux années suivantes. Quelques années sans rien gagner après, le club basque goute à nouveau à la victoire avec 5 succès en 6 ans (1911, 1914, 1915, 1916). Une belle domination donc en ce début de siècle.
Les décennies passent et l’Athletic reste toujours en haut de la hiérarchie espagnole du football, notamment grâce à un joueur que tous les suiveurs du football espagnol connaissent inconsciemment, Rafael Moreno Aranzadi. Plus connu sous son surnom : “Pichichi”. Si les différentes statistiques étaient difficile à tenir à l’époque, on considère que durant les 10 saisons passées à Bilbao, il aura marqué près de 80 buts en 100 matchs. Un excellent buteur donc qui donnera plus tard son nom au trophée de meilleur buteur du championnat. Parti en retraite très jeune et décédé aussi très jeune (il est décédé à 30 ans), son buste trône encore aux alentours du stade de Bilbao, San Mamés. En plus de Pichichi, le club de Bilbao verra naitre sous ses yeux la légende du football espagnol, meilleur buteur de l’histoire du championnat jusqu’à ce qu’un certain Léo Messi le dépasse en 2014, Telmo Zarra.

Relation tumultueuse avec le franquisme
Le club subira des changement au cours des décennies, notamment durant la période franquiste en Espagne. Les régions avec une identité propre étaient détestée par le Général Franco qui voulait une Espagne unie, et surtout castillane. Le Pays Basque ne faisait pas exception et le club de Bilbao va beaucoup souffrir de la présence de Franco. Tout d’abord, le club a du changer de nom en 1941 suite à un décret prononcé par le régime en place qui était destiné à faire disparaitre les noms qui n’étaient pas considérés comme castillans. L’Athletic devient donc l’Atlético de Bilbao, obéissant aux ordres par peur de se faire dissoudre comme d’autres clubs à cette époque (la Sporting Gijon ou la filiale de Bilbao, l’Athletic de Madrid entre autres).

Un coup dur pour un club et une région qui est très attaché à son identité, à sa culture propre, mais ce sont justement les convictions de ces régions qui ont provoqué cela, le Pays Basque et la Catalogne défendant la République durant la Guerra Civil. Comble de l’ironie, les deux dictateurs Perón en Argentine et Franco en Espagne organisèrent une rencontre entre San Lorenzo et l’Atletico de Bilbao pour renforcer les liens entre les deux hommes. Organiser un meeting entre deux dictateurs dans une région qui te déteste, il fallait en avoir, du culot.
Mais paradoxalement, le club et la région basque était souvent prise en exemple par le régime en place puisque dans celle-ci les franquistes retrouvaient plusieurs valeurs qu’ils voulaient mettre en avant pour l’Espagne. Durant les années franquistes, le style de jeu de Bilbao est loin d’être léché ou très fin techniquement au contraire de ce qu’on peut voir maintenant. A l’époque on est encore dans l’adoption du style de jeu anglais, normal quand un sport se développe dans un pays d’en prendre les caractéristiques du pays inventeur. Le jeu était donc basé sur ce qu’on appelait le kick and rush, une manière de jouer directe, sans fioritures dans laquelle la rudesse, la violence mais aussi le courage étaient mis en avant pour gagner les matchs.
Cette notion de courage, d’abnégation et de violence illustrait parfaitement le discours que Franco avait pour son pays, une aubaine pour lui. Et comme on le sait, le football et le sport en général est une vitrine exceptionnelle pour faire la promotion d’un pays, pour faire grandir un pays, alors le général ne s’en priva pas. Mais au-delà du style de jeu pratiqué, une caractéristique propre du club basque lui plaisait beaucoup, c’est le sujet de notre prochain point.
Un club singulier dans son fonctionnement
Dans une époque ou la mondialisation est omniprésente dans tous les domaines et plus particulièrement dans le sport à travers les transferts de joueurs, l’Athletic Bilbao est un club qui se démarque des autres puisque seuls des joueurs basques peuvent prétendre signer dans ce club. C’est cette particularité qui rend ce club si attachant et important dans le paysage footballistique européen, puisqu’il est le symbole qu’avec une bonne gestion et une excellente stratégie de formation, un club peut se reposer sur son vivier local et réussir.
Cette particularité rend encore plus impressionnant le fait que ce soit l’un des trois seuls clubs à ne jamais avoir connu la relégation. Et c’est encore plus impressionnant lorsqu’on se rend compte que la région du pays-basque espagnol n’est que la 8ème Communauté Autonome en terme de population avec un peu plus de 2 millions d’habitants. Loin derrière les géants Andalous, Madrilènes ou Catalans.

Le fait de ne faire jouer que des basques dans le club vient aussi de la mentalité de la région, une des régions présentant le plus de velléités indépendantistes d’Espagne avec la Catalogne. Ce refus d’intégration dans l’Espagne qui était tant détesté par Franco est la marque de fabrique de ce club, qui se construit donc une identité propre et devient un rêve pour les jeunes basques. Des supporters qui sont toujours là quoiqu’il arrive pour le club, qui les soutiennent au sein de leur magnifique cathédrale qu’est San Mamés comme à l’extérieur. Les jours de match, les rues de Bilbao se vêtissent de rouge et de blanc, et les rues aux alentours du stade se transforment en espace géant pour échanger autour du football, sur les rojiblancos de Bilbao bien évidemment.
Un club qui fait la fierté d’une région et qui constitue l’une des places fortes du football espagnol, l’Athletic Bilbao est un club chargé d’histoire qui représente une manière de voir le football qui se perd dans notre époque actuelle, le football comme outil d’identité, une équipe de football fonctionnant comme une sélection nationale qui fait la fierté d’une région comme le Pays Basque et qui prouve qu’on a pas besoin de centaines de millions ou d’attirer des joueurs de n’importe quel pays pour avoir du succès, et Bilbao nous le démontre saison après saison.
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Bravo et merci pour cet article ! Je suis particulièrement touché par l’histoire de l’Athletic Club de Bilbao (le véritable nom est important). Le seul en Espagne et même en Europe je pense à conserver aussi farouchement son identité. Dans un sens, il me fait penser à ces irréductibles gaulois qui résistent encore et toujours à l’envahisseur^^ J’admire le caractère et le courage de ce club, si fidèle à ses racines basques et fier de les brandir. Pas étonnant qu’il soit devenu mon club préféré d’Espagne, car j’adore le fait qu’il assume sa différence. Même s’il a dû quelque peut assouplir sa politique, il reste très ancré dans ses racines et ses valeurs. Ce sont tous ces éléments qui le rendent unique, et ça force le respect.