L’AC Milan contre L’Inter. Le derby de la Madonnina n’est pas comme les autres. Il est le derby de Milan, ville divisée par le football, par la rivalité entre Rossoneri et Nerazzurri. Ce match est prestigieux car un des plus anciens et ses protagonistes ont toujours fait partis de l’élite du football mondial. Après 113 ans de confrontations pour 221 matchs, revenons sur l’histoire du derby de Milan.

La naissance d’une rivalité
Certains disent que l’Italie n’est pas un pays à proprement parler, mais plutôt une union de plusieurs villages qui ne partagent pas la même culture, les mêmes valeurs. La seule ville de Milan résume cette philosophie, déchirée entre les riches supporters de l’Inter et les fans populaires de l’AC Milan. Les rivalités entre classes sociales ne sont pas rares dans le football et, dans certains cas, lui donnent une autre dimension.
Dissocier l’histoire de ces deux clubs est impossible car ils partagent les mêmes racines. Le premier club de Milan fût le Milan Cricket and football club fondé en 1899 et qui deviendra par la suite l’AC Milan. En 1908, ses dirigeants ne souhaitent pas faire jouer d’étrangers dans l’équipe, ce qui crée des désaccords en interne. C’est finalement 44 membres du club qui s’en vont pour créer l’Internazionale, un club pas uniquement réservé aux Italiens. La rivalité est née. Le premier affrontement entre les deux équipes intervient six mois plus tard, et c’est l’AC Milan qui va l’emporter 3-2 pour rester à jamais le premier vainqueur du derby de la Madonnina.

Les matchs se déroulent dans un premier temps dans divers stades tels que le Milan Campo di Porta Monforte ou l’Arena Civica. La construction de San Siro, enceinte mythique que se partageront les deux clubs, n’arrive qu’en 1925. Prouesse d’architecture, le stade est l’une des plus grandes fiertés de la ville de Milan. Rénové en 1990, à l’occasion de la coupe du monde en Italie, il est aujourd’hui l’un des stades les plus mythiques d’Europe. Renommé stade Giuseppe Meazza en 1980 en hommage à la légende de l’Inter (passé brièvement par Milan), la coutume est devenue de l’appeler San Siro lorsque l’AC Milan y joue et Giuseppe Meazza lors des matchs de l’Inter.
Les premières années du derby sont marquées par les deux guerres mondiales qui ont laissé le football au second plan. C’est tout de même l’Inter qui domine ces années-là avec 24 victoires à 13 jusqu’en 1945, la faute d’un Milan trop conservateur qui refuse de recruter des étrangers et ne compte que sur son centre de formation. Cette époque a principalement été marquée par Giuseppe Meazza, meilleur buteur de l’histoire de l’Inter avec 282 buts et qui a permis au club de remporter ses premiers titres.

L’Age d’or du Derby de la Madonnina
Les premiers grands derbys viennent après la Seconde Guerre Mondiale. En 1949, L’Inter s’impose 6-5 après avoir été mené 4-1 à San Siro. Ce match reste à ce jour le plus prolifique entre les deux équipes. Malgré cette défaite, l’AC Milan est à l’orée de sa première grande époque, incarnée par un trio… suédois. Le Milan de Gre-No-Li (Gunnar Gren, Gunnar Nordhal et Nils Liedholm) remporte en 1950 son 4ème Scudetto après 44 ans de disette ! Gunnar Nordhal, meilleur buteur de l’histoire du club (225 buts) porte son équipe durant les années 50 et le Milan domine le championnat.
Les rencontres Milan-Inter de l’époque se jouent dans une ambiance hors du commun, avec des Milanais qui vivent pour ces rencontres. Durant une semaine de derby, le temps s’arrête. C’est la ville tout entière qui retient son souffle en attendant le spectacle. Pas un Nerazzurri n’adresse la parole à un Rossoneri, qu’importe leurs relations.
Une réalité illustrée plus tard par les frères Baresi, l’un jouant pour le Milan et l’autre pour l’Inter, qui étaient extrêmement proches mais s’ignoraient totalement lors de ces fameuses semaines. La pression est intense pour les joueurs qui ont l’obligation de l’emporter pour honorer leurs couleurs. Beaucoup disent alors que remporter un derby est plus important que le championnat. Tous les moyens sont bons pour vaincre, comme lorsqu’en 1957, Benito Lorenzi (Inter) plaça un citron sous le ballon avant qu’un penalty de Milan ne soit tiré… et raté. Cette technique peu orthodoxe lui vaudra le surnom de « poison » jusqu’à la fin de sa carrière.

La rivalité atteint son apogée dans les années 60. Durant cette décennie, les deux clubs de Milan dominent le football italien et européen. L’Inter est à son apogée sous la direction de son président le plus iconique, Angelo Moratti, et de l’entraineur Helenio Herrera. L’équipe est un véritable rassemblement de stars, mené notamment par Luis Suarez Miramontes (Ballon d’Or 1961) et Sandro Mazzola. Le Milan est lui mené par Gianni Rivera, attaquant magnifique qui remportera le Ballon d’Or en 1969.
Alors que la différence sociale entre les supporters se dissipe, c’est sur le terrain que tout les oppose. L’Inter d’Herrera propose une version ultra-efficace du Catenaccio tandis que Milan prône un jeu plus offensif (83 buts en 34 matchs lors de la saison 1961-1962). Cette différence est illustrée par l’opposition Mazzola/Rivera. Le premier étant un attaquant puissant, tourné vers le but, à la différence de Rivera, qui n’était que technique et élégance.
Les années 60 voient Milan et l’Inter remporter 4 coupes d’Europe et 5 championnats nationaux. Une domination sans partage qui ne verra aucun club l’emporter sur l’autre avec 7 victoires chacun.

L’époque des stars
Les années 70 sont moins fastes pour les deux clubs qui rentrent dans le rang. Mais ces temps difficiles vont laisser place à une autre génération légendaire.
Tout bascule en 1986, lorsque Giovanni Trappatoni débarque sur le banc de l’Inter et Silvio Berlusconi rachète l’AC Milan. L’ancien premier ministre italien a pour objectif de ramener le Milan sur le devant de la scène. Son équipe est déjà composée de grands joueurs tels que Paulo Maldini ou Franco Baresi et il va ajouter à cela Ruud Gullit, Frank Rijkaard et Marco Van Basten, soit trois néerlandais qui remporteront quatre ballons d’or au total.
Berlusconi veut du spectacle, des stars afin de créer un vrai business autour de son club. Ce Milan est donc opposé à l’Inter de Trappatoni aux consonnances allemandes menés par Lauthar Matthaus, Andreas Brehme et Jurgen Klinsmann. L’Inter allemand contre l’AC Milan néerlandais reste une période dominé par les hommes de Berlusconi qui a crée l’une des plus grandes équipes de l’histoire, qui remporte 5 Scudetti et 3 Ligues des Champions de 1986 à 1996.

Bien que la barre fût élevée dans les années 90, les années 2000 sont sûrement celles qui rassembleront le plus de stars dans les deux équipes. L’Inter comptera dans se rangs des joueurs comme Ronaldo, Adriano, Javier Zanetti, Luis Figo, Samuel Eto’o, Fabio Cannavaro, Marco Materazzi ou encore Hernan Crespo tandis que le Milan verra jouer sous ses couleurs Paolo Maldini, Alessandro Nesta, Cafu, Kaka, Zlatan Ibrahimovic, Andrea Pirlo, Clarence Seedorf, Andriy Shevchenko, Filippo Inzaghi…
Cette liste, bien que magnifique est loin d’être exhaustive. Etonnamment, cette décennie marque les deux seuls affrontements de l’histoire des deux clubs en Ligue des Champions. Le premier arrive en 2003 en demi-finale. L’Inter est coaché par Hector Cuper et Carlo Ancelotti est à la tête du Milan. Les matchs aller et retour sont extrêmement disputés et aucune équipe n’arrivera à l’emporter à l’issue de deux matchs nuls. Milan se qualifie à la différence de buts et perdra en finale contre la Juventus de Pavel Nedved et d’Alessandro Del Piero.
Les retrouvailles européennes des deux équipes arrivent en 2005, cette fois-ci en quart de finale. Contrairement à 2003, il n’y a pas de suspens et l’AC Milan s’impose 2-0 puis 3-0 face à un Inter en phase de transition, juste avant les années Mancini et Mourinho qui leurs rapporteront 5 championnats consécutifs et une ligue des champions.

La rencontre la plus marquante de ces années 2000 restera sûrement le derby du 28 octobre 2006. L’Inter est en train de (re)devenir l’une des plus grandes équipes du monde et affronte l’armada de l’AC Milan d’Ancelotti. L’Inter mène 2-0 à la pause par l’intermédiaire de Crespo et Stankovic. Furieux, Ancelotti effectue ses trois changements dès le retour des vestiaires, sortant même son meilleur buteur Inzaghi.
Milan réduit la marque dans un match très tendu ou Gattuso va faire sortir Patrick Vieira sur civière à cause d’une béquille. Ibrahimovic puis Materazzi marquent pour un 4-1 semblant décisif. Seulement, le défenseur intériste enlève son maillot pour célébrer alors qu’il a déjà pris un carton jaune.
A 11 contre 10 dans une ambiance de folie (Milan joue à domicile), les coéquipiers de Pirlo vont revenir jusqu’à 4-3 mais échoueront à égaliser, en grande partie grâce à la merveilleuse performance de Julio César, le portier brésilien de l’Inter.
Sur les 10 dernières années, le derbys ont perdus de leur superbe à l’échelle mondiale de part les difficultés rencontrées par les deux clubs. Entre départ des stars, difficultés financières et gestion catastrophique, le Milan et l’Inter sont devenus des équipes moyennes en termes de niveau de jeu. La ferveur des supporters n’a en revanche jamais flanché, animant tout les derbys de la même passion dans les bons comme dans les mauvais moments.
Récemment, l’Inter est revenu au premier plan avec son 19ème sacre de champion d’Italie en 2020-2021 et le Milan a té sacré champion d’Italie la saison dernière. Cela fait donc un certain temps que le derby de la Madonnina n’a pas été aussi attirant que dans le passé mais avec le retour au premier plan progressif des deux équipes, le prestige revient peu à peu dans la ville de Milan.