Une saison de Serie A épatante

Cet exercice 2021-22 dans l’élite du calcio nous a réservé de belles surprises, comme le scudetto de l’AC Milan, mais aussi de moins bonnes à l’image d’un bas de tableau très faible même si pas dénué de suspense.

L’AC Milan de Zlatan célébrant son sacre en Serie A, onze ans après le dernier (source : Goal.com)

Le bilan du séduisant championnat italien cette année

Nous tenterons ici d’être pédagogues et de ne pas trop ingrat avec notre cher et tendre “calcio”. Effectivement, il peut souffrir aujourd’hui d’une baisse de compétitivité, et donc d’intérêt, remettant en cause sa légitimité à faire partie du Top 4 européen (Angleterre, Espagne, Bundesliga, Italie). Pour figurer dans le top, il ne s’agit pas de prétendre à être le premier – car la Premier League anglaise est indiscutablement la meilleure -, mais de prouver que par certains aspects son pays vaut footballistiquement autant voire plus que les autres de cette hiérarchie. C’est pourquoi nous commencerons par lister les bémols de cette saison 2021-2022 avant de relativiser pour finir sur une note positive. Comme on voudrait encourager un élève moyen pour qu’il progresse.

Les + gros défauts

Comment ne pas commencer par le niveau indigent affiché par les équipes jouant le maintien ?

Les trois descendants Venezia (lanterne rouge), Genoa (avant-dernier) et Cagliari (18e) possèdent respectivement au terme de la 38e journée 27, 28 et 30 points. Le premier non-reléguable Salernitana en a quant à elle 31. Le total des points cumulés par ces équipes est déjà famélique – environ 0,75 point par match – quand on sait que 42 unités en moyenne suffisent à se sauver, mais la différence de 5 points entre le 17e et les 16 et 15e montre que la survie se jouait dans un mouchoir de poche. La sous-performance des uns et des autres ont miraculeusement permis à un élu de rester dans l’élite, et c’est Salerne qui bénéficia de la canonisation.

Heureusement, aucun record de cancrerie n’a été établie cette année. Rappelons à toutes fins utiles les 20 et 23 points de Parme et Benevento la saison dernière. Le même total de points pour les trois relégables se retrouve aussi pendant l’exercice précédent. Encore avant, le dernier Chievo Vérone comptait 17 points, une moyenne, soit moins d’une-demi unité par rencontre. Bon ça va cette année finalement ? Eh bien non car cela confirme la tendance hétérogène de nos transalpins. On sait que le maintien est retors pour les clubs promu ayant joué à l’échelon inférieur, et Venise l’a confirmé. Pourtant, elle pouvait toujours espérer jusqu’à la dernière journée, et ce sont deux incontournables de ces dernières années qui l’ont accompagnée.

Immense déception pour les amateurs de Serie A d’assister ainsi à la descente de Cagliari, et surtout du Genoa. Le club sarde avait pourtant boosté son pedigree il y a deux saisons en luttant longtemps pour les places européennes, jouant avec le destin ; le Belge à crête Nainggolan étant revenu sur l’île pour sa femme malade, Joao Pedro et Giovanni Simeone claquant buts sur buts. Par la suite, la nomination du coté ex-entraîneur de la Roma(tada) Di Francesco n’a pas eu l’effet escompté, passant de surcroît proche de la relégation, à laquelle ils n’ont pu échapper cette fois. Le Genoa, avec son bal d’entraîneurs, n’aura pas trouvé la recette non plus. Quel gâchis, nous n’aurons plus de derby della Lanterna.

Le Genoa retourne en Serie B quinze ans après (source : Football Italia)

A noter également la poursuite des injures et cris racistes qui sévit dans les stades italiens, et ce depuis trop longtemps (A l’encontre de Mike Maignan, Kalidou Koulibaly etc.)

Les – gros défauts

Parlons maintenant de la Juventus de Turin. Leur prestation présageait d’ailleurs bien pire en début d’exercice lorsqu’ils côtoyaient les dernières places, perdant contre des adversaires inattendus (relégable au sortir de la 4e journée !) tel Empoli, l’Hellas Vérone, humiliée en Champions League à Chelsea (4-0) et contre Villareal en huitièmes de finale (éliminée 4-1 en cumulé). Ils auraient cependant pu remporter la coupe d’Italie, menant au score conter l’Inter mais rattrapés puis surclassés en prolongations. Il faut aussi prendre en considération que le club se restructure après son hégémonie des années 2010, et que le retour sur le banc d’Allegri et les recrutements (Vlahovic) pourraient marcher sur le moyen terme.

La Juventus a souvent déçu comme lors de la réception d’Empoli en début de championnat (source : BBC)

Pour un club de son standing, l’Atalanta Bergame n’a pas réalisé une si mauvaise copie. Trustant les premières marches sur la première moitié de saison, les Lombards se sont peu à peu délités (8e, 59 points). Témoignage, peut-être, d’un essoufflement de la méthode Gasperini au propre comme au figuré. Le tacticien demande une débauche d’énergie, un pressing incessant de la part de ses joueurs, et le collectif a paru éreinté au fur et à mesure, à la manière d’un Bielsa après plusieurs saisons aux mains d’une même équipe. Reversée en Ligue Europa, le quart de finale accroché contre Leipzig aura néanmoins illuminé la saison de la Dea même si elle a péché – comme souvent – à domicile au retour.

Les qualités +

Pour contrebalancer nos critiques sur les relégués, saluons tout de même la belle histoire des mauvais élèves : la Salernitana. Un nom déjà très aguicheur pour cette ville de taille moyenne, Salerno, sur la côte campanienne. Le décor est planté pour assister à de splendides matchs à deux pas de la mer Tyrrhénienne, et siroter un Spritz sur la plage en célébration de la victoire. Mais les flots se sont déchaînés contre les Granata cette saison, qui a attendu le 7e rendez-vous (VS Genoa, comme par hasard) pour connaître la victoire, en n’ayant glané qu’un point. Après 2 nouvelles défaites, nouvelle victoire face à Venise (tiens, tiens) suivie de 9 matches sans succès, dont un nul contre Gaglari (ça alors !).

La fin d’année civile fut houleuse, avec en prime la menace d’être dissout si le club n’est pas racheté car l’ex-propriétaire possédait également la Lazio Rome, disposition proscrite par la Fédération. Un premier miracle s’accomplit avec la venue providentielle et in extremis à la Saint-Sylvestre de Daniele Iervolino. Le club effectue alors un mercato hivernal osé mais in fine payant. Ribéry et ses partenaires s’imposent à Vérone pour l’ouverture de la phase retour début janvier, et après 2 défaites contre des favoris, enchaînent 4 matchs sans défaite (certes nuls, mais quand même). S’ensuit 4 autres matchs sans victoire dont 3 défaites due à une trop forte opposition, mais un nul arraché contre Sassuolo.

Le 16 avril, la Madonne nous offre sa miséricorde lors de la rencontre chez la Sampdoria où Salerne s’impose 2-1. A partir de ce jour, 3 victoires et 3 défaites et au sortit de la pénultième journée, elle n’est enfin plus relégable – ce qui n’était plus arrivée depuis la 1ère journée. Un succès de prestige face à la Fiorentina, un nul solide à Bergame et au goût a-mer contre Cagliari (égalisation sarde à la dernière minute sans laquelle ils seraient immédiatement descendus) et surtout une autre mat infligé à Venise. La frayeur de l’ultime journée en accueillant l’Udinese (0-4) paraît anecdotique tant les Bersagleria étaient touchés par la grâce. Encore bravo à eux pour ce finish mémorable !

Image de liesse au terme de la dernière journée quand les Granata apprennent leur maintien dans l’élite (source : theScore.com)

Les qualités ++

L’AS Roma n’a peut-être pas impressionné, mais elle a gagné un pari ; celui de réussir avec un José Mourinho sur le déclin. Le mythique entraîneur portugais a éprouvé du mal à trouver une formule efficace en championnat. Il y eut beaucoup de matchs ternes, vierges ou remportés à l’arrachée. La Louve a quand même pu s’appuyer sur sa bonne recrue aux cages Rui Patricio et l’attaquant anglais Tammy Abraham, ayant scoré 17 buts et délivré 4 passes décivises (et 9 en Ligue Europa Conférence). Le capitaine Lorenzo Pellegrini s’est aussi affirmé, notamment en coupe d’Europe qu’il a soulevé – une première pour le club de la capitale. The “special one” a ainsi raflé tous les trophées possibles du vieux-continent.

En plus d’avoir permis à la Roma de gagner ce premier titre européen, Mourinho a semblé plus sage et fédérateur qu’à l’accoutumée. Refusant désormais l’étiquette du “spécial”, il a insisté pour mettre en avant son groupe, dont il est fait partie, plutôt que sa personne. Ce dernier a également commencé à écrire un joli récit avec la complicité du jeune Ghanéen Afena-Gyan, ancien migrant qui a intégré le centre de formation et inscrit un but victorieux au détriment du Genoa (encore !) novembre dernier. En conséquence, le coach lui a offert sa paire de crampons qu’il lui avait promise s’il marquait. Emotions. Le manager Lusitanien est donc (déjà) une légende du football de la capitale.

Les qualités +++

Zlatan, Giroud, that’s it. A eux deux ils ont 75 ans mais aussi 19 buts en Série A. Les deux vétérans expérimentés de l’attaque de l’AC Milan ont démontré qu’une bonne entente avec des jeunes pouvait être/était la condition pour qu’un effectif aille vers un titre de champion. Il ne s’agit pas ici d’une belle histoire isolée, mais de plein de magnifiques rassemblées pour un scudetto historique. Ibrahimovic, nouvellement quadragénaire, soulève vraisemblablement le dernier trophée de sa longue et riche carrière, en jouant blessé la moitié de la saison (annoncé suite à la victoire finale à Sassuolo 3-0 : problème au ligament croisé antérieur et ménisque nécessitant une arthroscopie) au nez et à la barbe de son ex l’Inter Milan.

Olivier Giroud, le peu orthodoxe mais deuxième meilleur buteur Français (en sélection) brandit son deuxième titre majeur en deux ans après celui en Ligue des Champions avec Chelsea. Une belle revanche quand on se souvient qu’il n’a pas été appelé par Deschamps pour la Ligue des Nations. Mike Maignan, transféré du champion lillois en Lombardie a également enchaîné deux sacres, et a été nommé meilleur gardien de Serie A. L’importance de Théo Hernandez a explosé aux yeux du monde entier, marquant un but d’anthologie contre l’Atalanta dans un match décisif. L’attaquant portugais Rafael Leao a brillé par ses dribles et son altruisme, Tonali a enfin répondu aux attentes…

L’AC Milan a encore plus de mérite quand on prend en compte la concurrence du rival intériste, parfois devant lui et favori pour le scudetto mais finalement gardé à distance depuis le fameux derby renversant où “Gigi” s’est illustré par un doublé (2-1). Décevant en Ligue des Champions cette année, on attend des rossoneri qu’ils fassent une meilleure campagne à l’avenir, et qu’ils se stabilisent enfin en tête de tableau. Mais leur manager Stefano Pioli peut être salué pour avoir extirpé le club de ses atermoiements et d’avoir construit un collectif pas forcément sexy sur le papier mais solide dans les faits. On a déjà hâte de voir le déroulement de la prochaine saison de Serie A.

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