Au terme d’un match maîtrisé, la Dea est venue à bout du fragile promu Monza (2-0). Grâce à cette victoire, les Bergamasques redeviennent premiers de Serie A et confirment leur bon début de saison. L’équipe menée par Gasperini a-t-elle retrouvé des couleurs ou n’est-ce qu’un feu de paille ?

Bergame leader en pleine bourre, Monza à rebours.
Invaincue en cinq matchs dont un seul nul contre le champion en titre Milan, et quatre victoires – la dernière ce soir chez un autre voisin lombard (1-1) -, l’Atalanta connaît une entame de saison presque parfaite. Face à l’AS Monza, dernière, les nerazurri ont encore fait preuve de solidité derrière et restent la meilleure défense, à égalité avec la Juventus qui, elle, pointe à la sixième place avec neuf points. Mais comme pour les Piémontais, cette imperméabilité s’accompagne d’une pauvreté dans le jeu et l’animation offensive. Analysons cette mutation génétique de la Dea.
Des principes forts…
Dans l’imaginaire collectif, l’Atalanta est le club qui a réussi à se faire un nom dans la galaxie des cadors de Serie A et d’Europe. En suivant un système de jeu bien précis instigué par le tacticien Gian Piero Gasperini, basé sur un effectif homogène (peu de stars) participant autant à la construction du jeu qu’au pressing de l’adversaire, les Bergamasques se sont distingués par leur force collective depuis quelques années. Terminant plusieurs fois meilleure attaque du championnat, ils ne sont plus si flamboyants.
Force est de constater que le départ de certains joueurs emblématiques, Papu Gomez ou plus récemment Josip Illicic, a modifié le rendement de l’équipe. Les milieux offensifs à la qualité technique hors norme (comparé au reste du XI) manquent à la création dans l’entrejeu.
Même si leur ex-coach n’a pas encore trouvé de fidèles remplaçants, il a préféré persévérer dans sa philosophie quitte à ce que cela prenne du temps. Attirant toujours de nombreux joueurs à l’international, certains s’adaptent à la doctrine mais les autres sont priés de voir ailleurs.

Effectivement, la formation du “Gasp” est très cosmopolite, composé minoritairement d’Italiens, dont le capitaine naturalisé Rafael Toloi. Le recrutement s’opère toutefois selon des critères de compatibilité : la paire de buteurs Zapata-Muriel est colombienne, le milieu composé en partie de Marten de Roon et Teun Koopmeiners – auteur d’un triplé au dernier match, 4 buts cette saison – est néerlandais, comme le latéral Hateboer ou l’attaquant en prêt Sam Lammers.
Cela ne peut paraître qu’un détail, mais rien n’est laissé au hasard dans l’orchestration de l’entraîneur. Les canaux de communication ne se forment pas uniquement sur le terrain par l’utilisation du ballon, mais également dans les échanges verbaux entre coéquipiers. Que l’on parle croate, danois en passant par le turque et le russe, tout le monde possède une langue commune : le football (oui elle est facile). Mais depuis peu, le dialogue semble rompu.
… et une mise en pratique ardue
La ligne politique du club étant restée sensiblement la même, c’est dans le jeu que changements se sont observés. Après un excellent début de championnat l’année dernière, l’Atalanta a mal fini en échouant à se qualifier en coupe d’Europe et à battre les adversaires pourtant à sa portée. Sans doute à bout de souffle, l’effectif a connu un léger relooking.
Exit les symboles du passé et les capricieux : Freuler et Gosens, pourtant de superbes joueurs indispensables quelques mois auparavant, sont partis respectivement pour Nottingham et l’Inter Milan.
Des nouveaux visages ont débarqué, affichant les ambitions et les prises de risque propres à l’essence “gasperinesque“. Le Brésilien Ederson tentera de faire oublier le Suisse, dans un profil un peu plus offensif que box-to-box. Le jeune Français Brandon Soppy a la même mission pour l’Allemand, bien qu’il évolue aussi en arrière-droit.
Le premier s’intègre difficilement pour l’instant, le second a déjà montré de belles choses notamment en provoquant un pénalty contre le Torino la semaine dernière et en remplaçant pertinemment Zappacosta contre Monza.

Ademola Lookman, le virevoltant attaquant nigérian provenant de Leipzig, arrive aussi dans un profil atypique. Amateur de dribbles et de prises de profondeur, il brille moins dans la passe, à l’instar de Jeremie Boga enfin propriété du club suite à son transfert définitif. Mehri Demiral, le roc de la charnière centrale, a aussi signé son CDI cet été à hauteur de 20 millions ! Oui, la Dea a cassé sa tirelire, ce qui est in fine digne d’un “grand” club : pratiquement 100 mio de dépenses cet été, mais pour des revenus proches.
Ainsi, on a désormais une équipe au profil de transition qui a peu à peu laissé le jeu au compte de l’adversaire. Cela ne l’empêche pas de continuer à harceler les porteurs de balle et à se montrer tranchant quand il faut. Sacrifiant, dans une certaine mesure, son efficacité devant le but, elle la compense par une efficacité devant ses propres cages. Et quelle révolution ! Peut-être a-t-elle souscrit à plus de maturité et a délaissé son insouciance d’antan afin de ne plus se faire piéger naïvement. Rappelons le match qu’elle tenait contre le PSG pour son quart de finale avant de craquer cruellement dans les arrêts de jeu.
Un rebond est-il possible ?
Si l’on jette un œil rapide au classement, l’Atalanta augure une saison pleine de promesses. Après voir neutralisé les rossoneri et battu ses outsiders, on voit mal comment l’Europe pourrait leur échapper. Pourtant, il y aurait quelques réserves à formuler sur la pérennité de ces résultats. Contre le champion en titre, elle a surperformé ses “expected goals”, et c’est globalement sur ceux défensifs qu’elle est heureuse. Avec aussi peu de souveraineté dans le jeu, surtout dans les couloirs occupés par les latéraux, elle pourrait encaisser plus de buts et perdre beaucoup de points à l’avenir.
Cependant, elle a une profondeur de banc satisfaisante, et peut compter sur le retour de blessure de Zapata pour améliorer son goal average. Lookman est déja auteur de deux buts (même si celui de ce soir ne lui sera sûrement pas attribué), le jeune Danois Rasmus Höjlund a marqué aujourd’hui sur son premier match en tant que titulaire et quasiment sur sa seule occasion. Ayant côuté 17M d’euros, il est un véritable pari de la direction bergamasque. A noter que Ruslan Malinovskyi est resté, pion essentiel dans les grandes affiches comme il l’a encore montré, Koopmeiners prend enfin la dimension qu’on attendait.

Ce qui doit aussi être pris en compte est la non-participation de la Dea aux compétitions européennes. Nous évoquions la fatigue générale des hommes de Gasperini en fin de saison dernière ; avec un calendrier plus léger, ils pourront se concentrer sur la Serie A et éventuellement sur la Coppa, qu’ils ont failli remporter à deux reprises récemment. Les conditions semblent plutôt réunies pour être confiant. A voir si le message passe toujours dans le vestiaire et si les nouveaux s’intègrent bien…