Après deux défaites consécutives contre Chelsea, Milan n’y arrive pas en Ligue des Champions. Désormais 3e de leur groupe derrière leur adversaire d’hier et Salzbourg, à égalité de points avec le dernier Zagreb, les Lombards sont sur courant alternatif avec la Serie A où, pourtant, ils brillent.

La schizophrénie des rossoneri
Nom du patient : AC Milan. Profession : (anciennement) spécialiste des coupes d’Europe. Diagnostic : invalidité à la qualification. Traitement : deux victoires minimum le 25 octobre et le 2 novembre.
Le club aux sept Ligue des Champions est en voie de guérison, mais traîne encore une maladie moderne : l’allergie à l’Europe. Non, nous ne parlons pas de politique, mais seulement du curieux trouble de la personnalité des Lombards à performer sur la scène nationale et de décevoir à l’échelle continentale. L’ex-propriété de Silvio Berlusconi préfère-t-elle se concentrer sur l’Italie ? Bon, les parallèles avec l’actualité électorale s’arrêtent là. Etayons le diagnostic résumé précédemment.
Les antécédents :
Rachat tortu par un consortium chinois dans un club en restructuration, choix d’entraîneurs inexpérimentés, transferts douteux. L’Associazione Calcio Milan a effectivement vécu une dernière décennie tumultueuse, ponctuée par le départ de ses cadres historiques – qui furent pour la plupart acteurs de la dernière victoire en C1 – et de recrues impertinentes, dans le staff ou sur le terrain.

Le nouveau propriétaire Yonghong Li (et Haixia Capital) se sont révélés être des pétards mouillés, sortant d’une saison 2017-2018 en demi-teinte et contraints de céder le club au fonds d’investissement Elliott, auquel ils devaient des lourdes dettes. La direction connaît un nouveau remaniement, mais l’arrivée de Paolo Scaroni à la présidence et de la légende Paolo Maldini comme directeur du développement stratégique du secteur sportif va faire changer la dynamique. Exit les coups de poker et mercenaires Bonucci, Higuain, Kalinic ou encore André Silva ; une vision moyen-termiste est enfin adoptée.
Les Rouge et Noir se reprennent en Serie A à l’issue de l’exercice 2018-19 en ratant de peu la qualif’ en Ligue des Champions avec une ultime place de 5e, à un point du troisième. Dans le même temps, ils échouent à s’extraire des phases de poules de Ligue Europa. Les symptômes sont éloquents : le manque d’expérience du management et de l’effectif en la matière. Gennaro Gattuso démissionne de son poste d’entraîneur, et son remplaçant Marco Giampolo n’a même pas l’opportunité de confronter son équipe aux compétitions européennes car l’AC Milan en est exclu pour la saison suivante.
Zlatan – Pioli, l’opération surprise
Après une phase aller de Serie A catastrophique (défaite notamment contre l’Atalanta 0-5), un nouveau pari est tenté par le club ; celui de recruter l’ancien coach de la Fiorentina – et de l’Inter ! -, Stefano Pioli, et surtout le célèbre attaquant Zlatan Ibrahimovic aussi passé chez le rival, alors bientôt quadragénaire. Les résultats se font sentir immédiatement, le football pratiqué est beaucoup plus séduisant et emmène les Lombards à une nouvelle place qualificative inespérée en Europa League. La mentalité semble profondément métamorphosée.

L’année suivante, les rossoneri terminent dauphin et confirment leur progression sur le plan national, mais sont éliminés en 8e de finale de C3 face à Manchester United, futur finaliste. Enfin habilité à disputer la plus grande des compétitions, Milan tombe dans un groupe relevé composé de Porto, l’Atlético Madrid et Liverpool.
Sans Ibrahimovic limité physiquement, le groupe s’avère encore une fois être trop immature pour battre des formations qui ont l’habitude d’être en lice pendant les phases finales. Derniers de leur tableau, les Lombards peuvent néanmoins s’adonner entièrement au championnat et terminent sacrés.
Une rechute cette saison ?
Fort de son titre de Serie A, le premier depuis onze ans, on pensait que l’ACM serait enfin taillé pour la Ligue des Champions, face à des adversaires à sa portée. Malgré la victoire maîtrisée aux dépens du Dinamo Zagreb, le bilan est d’un nul poussif contre le Red Bull Salzbourg et, donc, de deux cuisants revers face à Chelsea. Les Milanais sont grandement menacés alors qu’il ne leur reste que deux matchs. Devant compter sans Tomori, exclu sévèrement lors de la rencontre hier, la défense se retrouve dépourvue alors qu’elle s’est déjà montrée friable dans sa composition-type.

Simon Kjaer, Davide Calabria, Alessandro Florenzi sont blessés, Fodé Ballo-Touré ne représente pas l’assurance tous risques, il reste ainsi les jeunes Français Pierre Kalulu et Théo Hernandez, le dernier s’illustrant plutôt offensivement que défensivement. Un autre rookie, Matteo Gabbia, pourrait saisir sa chance, mais dans un effectif peu familier avec les sommets européens, il n’apparaît pas comme une alternative satisfaisante. L’infirmerie est aussi remplie du côté des milieux belges De Ketelaere et Saelemekers.
Même s’ils sont favoris sur les prochaines rencontres, les Lombards devront se méfier de Salzbourg et de Zagreb, formations à l’arrière-garde solide. Les Croates, souverains dans leurs bases, ont tenu l’avantage tout le match contre le tortionnaire Chelsea à la première journée et ont résisté hier face à Salzbourg (un partout) après une courte défaite initiale 1-0. Attention à la réception de Milan pour le compte de la prochaine journée ! Quant aux Autrichiens, ils n’ont tout simplement jamais perdu pour l’instant. Selon les résultats des deux futures étapes, un seul match nul des rossoneri pourrait leur être fatal.

In fine, l’AC Milan est en passe de voir sa progression stoppée. Après le Scudetto et le précieux acquis de disputer la Champions League, le club lombard est sous pression. S’il ne parvient pas même à se qualifier en C3, il est probable qu’il fasse une saison blanche tant le Napoli est favori pour le gain du titre en championnat. Et se rabattre sur la Coppa Italia ne serait qu’une maigre consolation.
On atteint peut-être ici un plafond de verre pour les Milanais, lesquels ont néanmoins encore leur destin entre les mains. A eux de jouer pour rappeler au bon souvenir de leur domination sur la scène continentale. Une qualification ferait franchir un cap considérable aux hommes de Pioli qui ont besoin de ce défi pour voir s’ils peuvent prétendre à de plus grandes ambitions, et la rigueur défensive sera indispensable. Cela ferait presque dix ans qu’ils n’ont pas accédé aux huitièmes de finale de CL. Et il nous tarde aussi de les y voir.