Fidèle représentante du football sud-américain à la Coupe du monde qu’elle n’a plus manquée depuis 2006, la sélection uruguayenne veut croire en ses rêves, pour offrir un dernier “baroud d’honneur” mémorable à plusieurs de ses cadres. Focus sur une sélection en pleine transition.

Le poids de l’Histoire
Lorsqu’on évoque l’Uruguay, on évoque un petit monument de l’histoire du football : Premier pays à organiser la Coupe du Monde en 1930, et également premier pays à la remporter, face à l’Argentine (4-2), l’Uruguay a définitivement laissé son empreinte dans l’Histoire du football. Souvent dans l’ombre des mastodontes argentins et brésiliens, la “Celeste” a su plusieurs fois tirer son épingle du jeu pour connaître la gloire : en 1950, les Uruguayens, à la surprise générale, triomphent pour la deuxième fois en Coupe du Monde, en battant le Brésil chez lui, dans son antre du Maracana (2-1).

Mais l’Uruguay est aussi une valeur sûre sur le plan continental : Vainqueur à quinze reprises de la Copa América, l’Uruguay est ainsi le pays le plus titré de la compétition avec l’Argentine, et à l’heure où nous écrivons cet article, l’Uruguay pointe à la 14ème place du classement FIFA, et est la 3ème nation sud-américaine la mieux classée.
Mais comment l’un des plus petits pays d’Amérique du Sud en termes de superficie (Avant-dernier du continent devant le Suriname), et à la population environ vingt fois inférieure à celle de la France a-t-il pu réussir à se bâtir un palmarès à faire pâlir d’envie la plupart de ses voisins ? Sans doute en cultivant et en élevant la “grinta”, ou plus précisément la “garra charrúa” cet état d’esprit symbolique de la sélection, au rang d’art : La “Celeste”, c’est avant tout une équipe et des joueurs qui ne comptent pas leurs efforts, qui veulent toujours se donner à 110 % de la 1ère à la dernière minute du match, et surtout, qui n’abdiquent jamais.
Il faut aussi noter que le football peut être considéré comme “sport national” en Uruguay : Diego Lugano, ancien international uruguayen, a confié récemment que “Le football est tout” en Uruguay, et on ne peut pas lui donner tord : De loin le sport le plus populaire du pays, avec plus de 160 000 licenciés (dont 6,5 % de femmes), la sélection uruguayenne peut ainsi compter sur un vivier qui parvient sans cesse à se renouveler malgré la faible population du pays. Le football apparaît comme une véritable priorité, même pour l’Education Nationale, qui a développé le “Futbol Infantil”, un système où n’importe quel jeune uruguayen de 5 à 13 ans peut s’inscrire, avec plus de 2000 matches organisés chaque semaine.
“60 % des jeunes uruguayens y participent. Ça permet de développer l’instinct et l’esprit de compétition.”
Jérome Lecigne, rédacteur pour “Lucarne Opposée” s’exprimant sur le système “Futbol Infantil” en Uruguay.
La route vers le Qatar : un chemin sinueux
Pour composter son ticket pour le Qatar, l’Uruguay a dû batailler dans la poule unique de la zone “Amérique du Sud” : Dans ce parcours du combattant que représentent les éliminatoires de la Coupe du Monde sur le continent sud-américain, la “Celeste” a finalement validé son billet lors de l’avant-dernière journée, après une victoire décisive face au Pérou (1-0), et s’est classée 3ème (8 victoires / 4 nuls / 6 défaites), derrière le Brésil et l’Argentine, qui ont terminé les éliminatoires invaincus.
En 2022, la “Celeste” a disputé 9 matches (éliminatoires et amicaux confondus), pour un bilan très positif de 7 victoires, 1 nul et 1 défaite (face à l’Iran, le 23 septembre.). Après s’être séparé de son “maestro” Oscar Tabarez, qui était en poste depuis 2006, quelques jours après une défaite cinglante contre la Bolivie (0-3) en novembre 2021, alors que l’Uruguay restait sur 3 défaites consécutives et 4 matches sans victoires, et semblait en perte de vitesse dans ces éliminatoires, la “Celeste” a remonté la pente, sous la houlette de Diego Alonso, ancien coach de plusieurs clubs mexicains et de l’Inter Miami, qui va connaitre son premier tournoi majeur avec sa sélection.
La pression est importante : après une Copa América plutôt correcte l’an dernier, où les Uruguayens ont pris la porte en quarts face à la Colombie (0-0 après prolongations, défaite aux TAB), les supporters espèrent à nouveau voir la “Celeste” aller loin dans ce Mondial qatari, après l’élimination en quarts de finale face à la France, futur vainqueur, quatre ans plus tôt. (0-2).

Forces et faiblesses de la “Celeste”
Pour l’aider à aller le plus loin possible dans cette Coupe du monde, l’Uruguay pourra compter sur une “génération dorée” qui arrive à point nommé : En Europe, Darwin Núñez et Federico Valverde, l’un avec Liverpool et l’autre avec le Real Madrid, ont fait étalage de tout leur talent durant la première partie de saison, et seront très certainement des atouts de choix pour la “Celeste” dans ce Mondial.
Mais ils ne seront pas les seuls : Facundo Torres, Manuel Ugarte et Facundo Pellistri sont d’autres “joyaux” tout juste sortis du vivier uruguayen qui seront eux aussi présents au Qatar, et ne manqueront sûrement pas l’occasion de se mettre en valeur durant le tournoi.

Et si le forfait (pour les matches de groupes) de Ronald Araujo, patron en devenir de la charnière centrale de la “Celeste” et du Barça, sera forcément préjudiciable pour la défense uruguayenne, elle pourra toujours s’en remettre à ses “vieux briscards” comme Diego Godín ou Martín Cáceres pour épauler tous ces jeunes talents, et les aider à exprimer tout leur potentiel. Autant dire que la “Celeste” peut voir la vie (et surtout l’avenir) en rose.
Oui mais voilà : derrière cette jeunesse flamboyante, certains “vieux briscards” de la première heure , déjà présents en 2010 lors d’une édition qui a symbolisé le retour au premier plan de la “Celeste”, qui avait alors réussi à se hisser jusqu’en en demi-finale, commencent peu à peu à être rattrapés par l’âge : Edinson Cavani (35 ans), Luis Suárez (35 ans), Diego Godín (36 ans), Martín Cáceres (35 ans), ou encore Fernando Muslera (36 ans) : Tous ces joueurs cadres devenus des icônes de la “Celeste” au cours des 12 dernières années vivront très certainement leur dernier Mondial cet hiver, avant qu’ils ne mettent un point final à leur carrière, dans un futur de plus en plus proche.
Hormis Muslera, toujours titulaire du côté de Galatasaray, et Cavani, qui a atterri à Valence cet été, mais qui n’a que peu joué à cause d’une blessure à la cheville, aucun de ces cadres ne joue encore en Europe aujourd’hui, ce qui peut nous amener à nous interroger : Auront-ils la force nécessaire pour porter une dernière fois l’Uruguay le plus loin possible dans une Coupe du Monde ?
En 2010 toujours, L’Italie aussi avait fait le pari d’une liste dont la plupart des cadres avait passé la trentaine, pour un résultat pas vraiment convaincant : La “Nazionale” n’est pas parvenue à remporter le moindre match, et a par conséquent pris la porte dès la phase de groupes. Les “anciens” du groupe uruguayens feront tout pour ne pas subir le même sort, et pouvoir ainsi passer le témoin en beauté à la jeune génération uruguayenne, qui commence déjà à faire ses preuves.

La formation attendue
Durant ses débuts avec la sélection uruguayenne, Diego Alonso a semblé orienter sa préférence vers un 4-4-2 assez “old school” qui était déjà le système dans lequel les Uruguayens s’étaient présentés en 2018. S’il lui est aussi arrivé d’innover un peu en testant d’autres systèmes, comme le 4-1-4-1, le 3-5-2, ou même le 4-2-3-1, le technicien uruguayen est retourné vers son schéma favori lors du dernier match en date de la “Celeste” contre le Canada (victoire 2-0).
La principale “révolution” concerne le poste de gardien : Fernando Muslera, taulier emblématique de la “Celeste” (3ème joueur le plus capé de l’histoire de la sélection), devrait vraisemblablement céder sa place à Sergio Rochet, qui découvrira donc la Coupe du Monde en tant que titulaire.
En défense, Mathías Olivera devrait être titulaire à gauche, tandis qu’à droite, la place devrait revenir à Guillermo Varela. En charnière centrale, en l’absence d’Araujo, il est fort probable que Diego Alonso revienne à une charnière Godin-Giménez, qui a fait ses preuves il y a quatre en en Russie, mais aussi vers la fin des éliminatoires.
Au milieu, la doublette Valverde-Bentancur devrait opérer dans l’axe, tandis que sur les côtés, l’incertitude demeure : De la Cruz ou De Arrascaeta à gauche ? Canobbio ou Pellistri à droite ? En revanche, en attaque, le débat devrait être vite réglé : avec un Cavani pas à 100%, la pointe de l’attaque devrait être confiée à Darwin Nunez et Luis Suarez.
Le joueur à surveiller : Federico Valverde
On aurait très bien pu évoquer Darwin Núñez dans cette rubrique, tant le duel entre les deux hommes était serré, mais c’est finalement le madrilène qui va retenir notre attention ici.
Pourquoi ? Parce que depuis son arrivée en Europe en provenance de Peñarol en juillet 2016, “El Pajarito” (“petit oiseau” en espagnol) a bien grandi et surtout bien mûri, jusqu’à devenir “El Halcón” (“Le faucon”) dans la sublime vidéo de présentation des 26 Uruguayens prenant part au Mondial au Qatar.
Que ce soit en tant que milieu central, son poste de prédilection, ou sur l’aile droite, où il se retrouve parfois délocalisé, le natif de Montevideo a su perfectionner tous les aspects de son jeu, au point d’être devenu quasiment indispensable au sein du Real de Carlo Ancelotti, de par sa polyvalence exceptionnelle.
Cette saison, le madrilène ne se contente plus d’être au cœur du jeu : il se projette encore plus vers l’avant qu’auparavant, et sa capacité à déborder ou à centrer, aussi bien que sa qualité de frappe, en font un atout supplémentaire dans l’attaque “Merengue”, pourtant déjà bien fournie. Son entraineur, Carlo Ancelotti, lui avait lancé une sorte de “défi” en début de saison, en s’étant dit prêt à “déchirer sa licence d’entraineur” s’il marquait moins de 10 buts cette saison. La licence du “Mister” peut dormir tranquille : Valverde en est déjà à 8 buts marqués toutes compétitions confondues. Autant dire que la barre des 10 buts devrait être tranquillement dépassée s’il continue sur sa lancée.
Au Qatar, s’il garde le même état de forme que durant la première partie de saison au Real, “Fede” devrait vite s’imposer comme l’une des pièces maîtresses de sa sélection, qui aura évidemment besoin de lui si la “Celeste” veut aller loin dans ce Mondial.

Le pronostic : En huitièmes… voire plus ?
En ayant atterri dans le groupe H, en compagnie du Portugal, de la Corée du Sud, et du Ghana, la qualification semble être à la portée de la “Celeste”. Si le duel avec la “Seleçao” sera sans doute déterminant dans la quête pour la première place du groupe, les rencontres face aux Coréens et aux Ghanéens semblent à la portée du groupe de Diego Alonso, qui aura sûrement la phase finale en ligne de mire dès son entrée en lice.
En cas de qualification, l’Uruguay croiserait le fer avec une équipe du groupe G, composée de la Serbie, de la Suisse, du Cameroun, et surtout du Brésil. Le Brésil faisant office de grand favori pour la première place dans ce groupe, Uruguayens et Portugais feront sûrement tout pour finir en tête dans le groupe H, et ainsi éviter de croiser la route des hommes de Tite, prétendants au titre, dès les huitièmes de finale. Battre le Portugal pour basculer en tête ? Rien d’impossible pour la “Celeste”, qui a déjà vaincu les hommes de Fernando Santos il y a quatre ans, en huitièmes de finale (2-1).
La “Celeste” a-t-elle les moyens de faire “comme en 2010” ? Sur le papier, l’Uruguay a les armes pour bien figurer dans ce Mondial. Mais encore faut-il que la mayonnaise prenne assez vite, dans une compétition où le chef néophyte Diego Alonso n’aura que très peu le droit à l’erreur. Rendez-vous le 24 novembre à 14h pour les débuts de la “Celeste”, face à la Corée du Sud.